La pleine lune du mois d'août marque pour les plongeurs de la Caraïbe la période la plus excitante de l'année : la tant attendue phase de reproduction des coraux. D'ici quelques jours, la plupart des espèces coralliennes relâcheront dans l'eau des millions d'œufs qui entameront un long processus pour créer de nouvelles colonies. Suivez-moi, je vous explique cette magie sous-marine.
Comment se reproduisent les coraux ?
Avant d'aller plus loin, il faut bien comprendre que les coraux sont des animaux marins (et non de simples rochers comme beaucoup le pensent) et qu'à ce titre, ils se reproduisent. Et contrairement aux humains, ils possèdent deux modes de reproduction différents.
La reproduction asexuée
Cette reproduction provient de la fragmentation naturelle d'une colonie qui se brise sous l'effet des vagues, d'une ancre de bateau ou d'un malencontreux coup de palme. Le morceau cassé a de fortes chances de mourir s'il tombe sur un substrat vaseux, par exemple, mais il peut aussi être disséminé par les vagues ou les courants sur des zones plus propices. S'il parvient à se fixer, il donnera alors naissance à une nouvelle colonie. Principal inconvénient de cette reproduction asexuée, la nouvelle colonie sera génétiquement identique au corail dont elle provient et incapable de se reproduire de manière sexuée.
La reproduction sexuée
La reproduction sexuée des coraux a deux avantages principaux par rapport à la reproduction asexuée. En effet, elle permet non seulement la propagation des coraux dans de nouveaux espaces, mais assure également un fort brassage génétique. Pour la plupart des espèces de la Caraïbe, les scientifiques pensaient jusqu'à présent que cette reproduction se déroulait sur une très courte période, après la pleine lune du mois d'août et de septembre, quand les eaux sont les plus chaudes. Les observations s'étant multipliées ces dernières années, les chercheurs savent désormais que la période de ponte des coraux s'étale plutôt de juillet à novembre, mais avec toujours une fenêtre de tir très courte. Ainsi, la plupart des espèces pondent deux ou trois nuits d'affilée durant seulement quelques minutes. Autant dire que pour avoir la chance d'observer un tel phénomène, il faut s'y connaitre un peu avant d'organiser sa plongée !
Une ponte soumise à de multiples paramètres
Si la période annuelle de ponte des coraux est désormais mieux connue, bien que perfectible, de nombreux paramètres vont influencer l'expulsion des cellules reproductrices. En effet, il faut que la température de surface de l'océan augmente rapidement, ce qui peut varier d'une année à l'autre, mais aussi que les massifs coralliens soient en bon état de santé. Et c'est là que le bât blesse. Dans la Caraïbe, les études scientifiques ont démontré que 50 à 85% des espèces coralliennes, selon les sites, sont aujourd'hui dégradées ou décimées. Le nombre de colonies en état de se reproduire a donc drastiquement diminué ces 20 dernières années. Enfin, les nuits de ponte, différents facteurs peuvent limiter ou empêcher la reproduction des coraux. Un temps très nuageux, limitant l'éclairage de l'astre lunaire, une mer agitée ou tempêtueuse, de forts épisodes de pluie sont, par exemple, incriminés.
La magie des nuits de ponte
Quand tous les facteurs sont réunis et les planètes parfaitement alignées, les plongeurs sous-marins immergés pour l'occasion vivent alors un spectacle hors du commun. Imaginez une eau noire, éclairée uniquement par le faisceau de votre lampe sous-marine, quelques poissons cherchant le sommeil dans une anfractuosité rocheuse, des gorgonocéphales qui se déploient après la longue torpeur diurne pour enfin s'alimenter et des coraux qui semblent endormis. A y regarder de plus près, pourtant, leur bouche se dilate doucement et de petites perles roses ou jaunes apparaissent… Elles restent encore nichées dans leur abri protecteur, mais le zooplancton, les vers marins et de nombreux poissons s'agitent désormais autour des massifs coralliens. Eux aussi savent que la ponte est proche et que leur grand festin annuel va bientôt débuter. Puis, d'un coup, dans une parfaite synchronicité, comme seule Dame Nature sait faire, des milliers d'œufs sont expulsés au même instant !
La précieuse semence des coraux s'élève alors dans la colonne d'eau et, au gré des courants et des vagues, va se disperser aux quatre coins de l'océan. Si vous n'avez jamais assisté à un tel évènement, je vous invite à vous rapprocher d'un club de plongée, c'est un moment inoubliable !
Beaucoup d'appelés mais peu d'élus
Si chaque colonie corallienne peut expulser des milliers, voire des millions d'œufs, ils seront au final peu nombreux à devenir un jour une nouvelle colonie. Car les prédateurs sont nombreux lors des nuits de ponte massive, dévorant en un instant des centaines d'œufs qui n'auront vécu que quelques minutes. Ensuite, il faut encore que les spermatozoïdes et les ovules des espèces gonochoriques se rencontrent et se fécondent. Que les gamètes (les cellules reproductrices mâles et femelles) des espèces hermaphrodites se croisent pour entamer elles aussi leur processus de fécondation. De là naitra une fragile larve planula qui voyagera quelques heures à quelques jours dans les courants marins avant de chercher ardemment un espace sur le fond pour se fixer. Mais là encore, rien n'est gagné, notre minuscule larve n'a pas toujours la chance de tomber sur un substrat adéquat. Sur un fonds sableux ou vaseux, elle ne se fixera pas, elle est exigeante, elle cherche des rochers, des eaux peu agitées et déteste les zones polluées. Alors, après ce long et périlleux périple, quelques centaines de planulas parmi des milliers parviendront à se fixer et formeront en quelques semaines un premier polype. Le tout début d'une nouvelle colonie corallienne qui, elle aussi, devra affronter bien des tourments pour espérer devenir, un jour, un corail capable de se reproduire.
Des pontes de coraux dès la semaine prochaine
La semaine qui suit la pleine lune d'août marque le début d'une intense activité de reproduction pour les coraux de la Caraïbe.
Vous trouverez ci-dessous le calendrier prévisionnel des pontes de coraux édité par la station de recherche marine Carmabi basée à Curaçao.
Attention, les horaires indiqués sont valables pour le sud de la Caraïbe, pour les autres îles, il faut réajuster les horaires par rapport à l'heure du coucher du soleil.
M.A
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