À Mayotte, Deep Blue Exploration s’emploie à étudier les écosystèmes coralliens de la surface à plus de 120 m de profondeur. Une mission majeure afin de mieux comprendre ces écosystèmes primordiaux pour les îles et de plus en plus menacé par le dérèglement climatique et les pressions humaines. Rencontre croisée avec Héloïse Rouzé, vice-présidente et Gabriel Barathieu, président de l’association Deep Blue Exploration.
OMGN : Quel est actuellement l’état de santé des coraux à Mayotte ?
Gabriel Barathieu : Jusqu’à présent, ils se portaient plutôt mieux qu’ailleurs, car nous disposons d’une situation géographique spécifique, d’un vaste lagon et d’un fort marnage qui assure un renouvellement constant des eaux. Mais cette année, comme dans de nombreuses régions du monde, nous avons subi un important épisode de blanchissement corallien qui a touché plus de 50% des coraux. Avec des eaux à plus de 30°C, la survie des coraux est aujourd’hui menacée ici comme partout.
OMGN : Concrètement, en quoi consiste le programme Corcoma porté par votre association et comment permet-il de lutter contre la dégradation des coraux ?
Héloïse Rouzé : Il s’agit d’une station permanente de suivi spatio-temporel des coraux. Notre objectif est notamment de couvrir la zone mésophotique, très peu connue, entre 30 et 120 m de profondeur. Et de comprendre les interactions qui peuvent exister entre les coraux de surface et les plus profonds. Comment les coraux qui ont besoin de lumière, s’adaptent-ils en profondeur ? Existe-t-il un « refuge climatique » pour les coraux et si oui, à partir de quelle profondeur ? Répondre à ces questions, nous permettra peut-être d’identifier des coraux vivants dans les zones les plus menacées par l’augmentation de la température et qui pourraient s’adapter plus en profondeur. Pour cela, nous suivons la température et prévoyons à terme de suivre plusieurs autres paramètres environnementaux (lumière, nutriments, etc.). Nous réalisons également des micro-prélèvements sur des organismes clés (coraux et éponges) pour déterminer leurs microbiomes associés et identifier d’éventuels bio-indicateurs précoces de stress. À ce jour, nous avons déjà deux années de données de températures à différentes profondeurs, plusieurs micro-prélèvements et cela va nous permettre de mieux comprendre les mécanismes de survie et d’adaptation des coraux.
Gabriel Barathieu : Il est primordial de mieux comprendre les écosystèmes coralliens et d’obtenir des informations sur le long terme. Cela nous permettra à la fois d’améliorer la gestion du lagon et des zones profondes.
OMGN : En quelques mots en quoi les coraux sont-ils si importants, y compris pour l'homme ?
Héloïse Rouzé : En milieu insulaire, ils sont la principale barrière face aux houles venues du large. Ils préservent donc nos territoires, mais abritent également une biodiversité exceptionnelle. Ils constituent une nurserie, un lieu d’alimentation et d’habitat pour de nombreuses espèces dont les hommes dépendent pour se nourrir. Enfin, ils sont de précieux indicateurs de la santé des océans.
Le projet CORCOMA est soutenu notamment par la DEAL Mayotte et l’OFB. Il a obtenu cette année le coup de cœur du jury dans le cadre de la Palme IFRECOR.
Mariane Aimar
Article paru dans le magazine Outre Mer Grandeur Nature N°23.
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