En janvier dernier, l'association IGREC Mer hébergée à l'Aquarium de la Guadeloupe a débuté un nouveau programme scientifique d'élevage de larves de coraux. Et les premiers résultats sont prometteurs pour préserver et redynamiser les récifs coralliens des Antilles.
Restaurer les coraux par l'élevage de larves
Depuis près de 15 ans, l'équipe d'IGREC Mer, association de Guadeloupe dédiée à la restauration des écosystèmes marins, travaille sur le développement de techniques permettant de redynamiser les récifs. En effet, face à la dégradation rapide des coraux dans les eaux des Antilles, IGREC Mer a très vite cherché des solutions. En lançant tout d'abord la mission Planugwa qui a permis d'affiner les techniques de collecte de coraux lors des pontes massives annuelles. Puis, en créant en Guadeloupe la première pépinière de coraux des Antilles où IGREC Mer a élevé des centaines de boutures sur des arbres à coraux avant de les replanter sur des zones de récifs dégradées. En 2021, lors d'une formation effectuée à Curaçao avec les équipes de Secore International, IGREC Mer a élargi son champ de compétences en travaillant sur des espèces coralliennes dites "couveuses de larves". Ces dernières produisent en effet des larves pleinement développées et ce, toute l'année. En se focalisant sur ces espèces, les recherches avancent donc à grands pas car les scientifiques peuvent expérimenter des techniques de collecte et d'élevage 365 jours par an. Avec les coraux dits "diffuseurs" qui étaient majoritairement utilisés jusqu'à présent, les pontes ne se déroulaient que quelques jours par an. Et les expérimentations également.
Des expérimentations multiples pour élever en laboratoire des larves de coraux
Depuis janvier 2022, les scientifiques d'IGREC Mer s'emploient donc à expérimenter et valider de nouvelles techniques de collecte et d'élevage de larves de coraux issus des eaux des Antilles.
Après avoir travaillé avec succès sur des larves de l'espèce Agaricia Humilis, l'équipe d'IGREC Mer, l'une des plus avancées au niveau européen dans ce domaine, a élargit le champ de ses recherches.
Elle travaille désormais sur une nouvelle espèce dénommée Favia Fragum. Ce petit corail tout rond, appelé également "corail balle de golf" vit entre 3 et 12 m de profondeur dans les eaux de la Caraïbe. Particulièrement impacté par la maladie de perte de tissu corallien (SCTLD), il est de moins en moins présent en Guadeloupe.
Mieux connaître la reproduction des coraux
Le programme de R&D d'IGREC Mer vise donc à mieux comprendre le mode de reproduction de cette espèce, à élever des larves puis à les réensemencer en mer tout en assurant la conservation génétique de cette espèce.
Un programme qui a débuté sous de bons auspices puisque en seulement 3 mois de travail au laboratoire, les chercheurs d'IGREC Mer ont déjà collecté près de 500 précieuses larves. Elles sont depuis en bac d'élevage afin d'être suivies au niveau de leur fixation, de leur métamorphose, de leur alimentation et de leur croissance.
Les coraux, des forêts sous-marine en voie de disparition rapide
Les coraux du monde entier sont en voie de disparition et ceux des Antilles ont aujourd'hui disparu à plus de de 85%. Parmi les raisons de cette extinction massive, les cyclones, le dérèglement climatique, la pollution des eaux, la surpêche, l'acidification des océans, l'urbanisation des territoires et bien sûr les destructions physiques par les engins de pêche et les ancrages de bateaux. Sans compter, depuis ces dernières années, les arrivées massives de sargasses, ces algues brunes qui asphyxient la vie sous-marine.
Une accélération inquiétante des phénomènes de blanchissement corallien
Depuis la fin des années 90, un autre phénomène inquiète les scientifiques et spécialistes des coraux : les phénomènes de blanchissement. Ils interviennent quand l'eau de mer reste supérieure à 29° durant trop longtemps. Les coraux subissent alors un stress qui entraine l'expulsion des algues microscopiques qui vivent en symbiose dans leurs colonies. Sans ces algues, qui les nourrissent en sucre et leur apportent leurs couleurs, les coraux blanchissent. Ce blanchissement, s'ils s'installe plus de trois semaines provoquera alors la mort des massifs coralliens.
Ces épisodes de blanchissement étant de plus en plus fréquents, les coraux n’ont pas le temps de se remettre et sont, chaque année, plus fragiles.
La Caraïbe a subi 3 épisodes majeurs de blanchissement en moins de 25 ans : 1998, 2005 et 2015. Et cette année, 91 % de la Grande Barrière de corail d'Australie a subi un blanchissement en raison d'une vague de chaleur prolongée lors de l'été austral, selon un nouveau rapport gouvernemental publié le 11 mai dernier. Un phénomène majeur dont la grande barrière pourrait bien ne jamais se remettre.
Un écosystème primordial pour les hommes et la biodiversité marine
La disparition des coraux n'est pas sans conséquence pour les activités humaines et les animaux qui y vivent. Car les coraux jouent des rôles considérables.
Leur rôle premier est de constituer des barrières naturelles qui réduisent l’énergie des vagues venues du large. Ils protègent donc le littoral et les infrastructures côtières des assauts de la houle, notamment pendant les phénomènes cycloniques.
Les récifs sont également à la base de la filière pêche car ils constituent le lieu d’alimentation et l’habitat principal des poissons. Des récifs dégradés n’offrent donc plus les conditions nécessaires au maintien des stocks de la ressource halieutique en entrainent par conséquent la disparition de la filière pêche.
Par ailleurs, les coraux sont de véritables forêts sous-marines qui, à l'instar des arbres, capturent ce fameux CO2 responsable du dérèglement climatique.
Enfin, les récifs coralliens constituent un hot spot de la biodiversité marine. S'ils ne couvrent que 1% de la surface des mers, ils abritent 30% des espèces marines ce qui représente 2 millions d’espèces marines.
Leur disparition n'est donc pas un phénomène marginal. Elle aura des conséquences dramatiques sur les hommes et la faune marine tropicale.
M.A
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